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POURQUOI ET COMMENT SEMER DES PLANTES SAUVAGES Pour une contre-offensive de la nature
Au cours de son évolution, la vie s'est épanoui en se diversifiant et en se complexifiant sans cesse. Aujourd'hui, il est clair que notre milieu de vie est menacé par certaines activités humaines : agriculture, industrie, urbanisation, qui tendent à détruire et à réduire cette complexité du vivant.
Notre société, depuis l'industrialisation du siècle dernier, est basée sur la recherche de la rentabilité maximale qui a entraîné la production de masse et la standardisation des produits, des machines, des services, des hommes. Pour ce qui concerne le sujet qui nous occupe, les plantes, ils se sont diffusés de deux manières.L'agriculture s'industrialise de plus en plus. Les parcelles cultivées dépassent le plus souvent plusieurs hectares, et ne tolèrent plus haies, talus, et même arbres isolés. Le nombre d'espèces cultivées dans ces champs décroît de manière sensible. La mécanisation, avec ses machines de plus en plus spécialisées et chères, amène la culture d'un nombre limité d'espèces (blé, maïs, betterave, pomme de terre...) sur des surfaces de plus en plus étendues. L'utilisation massive de produits chimiques (engrais et pesticide) réduit considérablement la vie sauvage dans et autour de ces champs. Seules quelques espèces particulièrement coriaces arrivent à survivre, voire à prospérer. Le paysage agricole moderne est une succession de grands champs accolés les uns aux autres, où poussent quelques espèces cultivées mêlées de quelques rares autres plantes sauvages. Cet appauvrissement de la vie a tendance à se diffuser partout sous diverses formes. Les pays de bocages voient leurs haies rasées, les zones rurales qui se vident de leur population sont reboisées, c'est à dire recouverte d'une monoculture de résineux, etc. Les paysages qui nous entourent deviennent artificiels, pauvres, fragiles.
La justification de cet état de fait est économique. Mais d'autres raisons, plus profondes, jouent aussi. Les espaces verts, les parcs et les jardins privés ou publics, petits ou grands, qui ne sont pas soumis aux critères de rentabilité économique tendent vers un modèle identique. Le gazon tondu ras règne en maître, bordé de haies d'une seule espèce et de plantes à massif en nombre réduit. Les espèces utilisées sont surtout des variétés cultivées de plantes introduites, alors que les plantes sauvages sont souvent éliminées. Elles font "sale".
La flore, et par conséquent la faune, qui nous entourent s'appauvrissent de plus en plus. De nombreux animaux autrefois communs se font rares, ou disparaissent totalement de certaines zones : hérissons, chauve-souris, grenouilles, chouettes ou papillons par exemple. Un champ de blé traité, un bois planté de sapins, un gazon régulièrement tondu, une haie de thuyas ne permettent la survie que d'un nombre très limité de plantes et d'animaux sauvages. Ce sont parfois de véritables déserts. Le thuya abrite moins d'une demi-douzaine d'espèces d'insectes, alors que le chêne de nos régions peut en nourrir directement ou indirectement près de 500 espèces.
Si la pression humaine cesse, la nature peut reprendre ses droits. Les friches agricoles ou industrielles, les terrains vagues, les bords de route, les talus de voie ferrée sont autant d'oasis possibles pour la vie sauvage. De tels îlots, même temporaires et de petite taille, peuvent contribuer à créer, avec les terrains particuliers aménagés en jardins sauvages, un réseau de refuges pour la flore et la faune sauvages.
Ces îlots sont importants car presque partout la nature continue de reculer. Là où elle est possible, la reconquête reste bien modeste. Le processus de régénération est lent, et parfois impossible. L'urbanisation peut être trop dense et étendue pour permettre un contact avec la nature environnante. Les espèces étrangères horticoles, plantées au cur des villes et non accompagnées de leurs régulateurs naturels, peuvent envahir les premières le terrain.Apprendre à récolter graines et plants peut donc être utile, pour donner un coup de pouce à la nature et lui permettre de coloniser plus rapidement les terrains disponibles en les dispersant là où ils pourront prospérer, ou pour transformer un coin de son terrain en jardin sauvage riche de vie.
Le semis est le meilleur moyen pour propager les plantes à fleurs. Ses avantages sont nombreux : les graines prennent peu de place, sont adaptées à un transport et un stockage prolongés, résistent au froid, à la sécheresse, peuvent donner naissance à un très grand nombre d'individus. Les plantes semées en place sont résistantes, notamment à la sécheresse, et se développent bien quand les conditions de sol et de climat leur sont favorables. Inconvénients principaux : plus grande lenteur d'implantation (certaines graines passent deux ou trois hivers avant de germer), résultat difficile à contrôler dans l'immédiat, compétition très élevée avec les plantes déjà en place.
La pureté des graines (absence de graines d'autres espèces, de débris divers...), leur aptitude à une levée rapide et simultanée, points fondamentaux pour les plantes cultivées, sont inutiles ou secondaires. Veillez à récoltez des semences viables (donc mûres), à les faire sécher si besoin, à les conserver peu de temps (2 à 3 ans maximum dans la pratique), au sec et au frais. La récolte de semences de plantes sauvages demande de suivre quelques règles simples.
Identifiez les plantes dans la nature à la floraison. La classification se faisant à partir des organes floraux, il est indispensable d'observer les fleurs pour arriver à une identification correcte. De nombreuses plantes courantes sont identifiables, lorsqu'on les connaît, à de nombreux stades de végétation, et pour les autres l'habitude vient vite si l'on se consacre régulièrement à cette activité. Mais au départ, surtout pour les espèces discrètes, il est nécessaire de recourir à un manuel d'identification, et donc à une prospection préliminaire tout au long des saisons pour identifier et repérer celles que l'on souhaite récolter. Soyez méthodique et prenez des notes pour éviter confusions et oublis. La mémoire humaine est faillible, notre expérience nous l'a maintes fois prouvé.
L'identification exacte des plantes nécessite l'emploi d'un guide. C'est indispensable si vous souhaitez récolter des espèces précises, ou si vous voulez échanger une partie de vos graines. C'est inutile si vous vous contentez de semer les graines recueillies pour reproduire un milieu naturel (par exemple une pelouse sèche sur un remblai de voie ferrée, ou un coin de marais au bord de votre mare). Identifier les plantes est un exercice parfois rébarbatif, il faut bien le dire, mais jamais superflu.Surveillez régulièrement les plantes repérées, car les récoltes massives de graines peuvent commencer dès mars-avril (pissenlit ) et finir vers novembre-décembre, voire en plein hiver (clématite ou lierre ). Une seule récolte ne donnera donc qu'un échantillon très imparfait d'un milieu, et ne concernera qu'un nombre limité d'espèces. De plus, les dates de maturité varient d'une année à l'autre pour une même espèce selon les conditions climatiques. S'il faut être patient et attendre que les graines mûrissent, il ne faut pas laisser traîner les choses non plus. Les plantes peuvent perdre très vite leurs semences mûres. Il nous est arrivé plusieurs fois, pour l'oseille sauvage ou la marguerite par exemple, de ne plus retrouver d'une semaine à l'autre que des tiges nues, toutes les graines envolées ou tombées au sol. Pour toutes ces raisons, une surveillance régulière des milieux prospectés est donc nécessaire.
La majorité des semences se récoltent facilement à la main. Les ombellifères comme la carotte ou le fenouil, aux graines nues, sont une bénédiction pour le ramasseur. Parfois, il est nécessaire de briser une capsule, comme chez le coquelicot. Souvent, c'est plus compliqué. Si les plantes s'égrènent à la main, récoltez directement. Si les graines se détachent difficilement car, bien que mures, leur enveloppe ou leur support est encore souple, coupez les tiges. Faites-les sécher tête en bas au dessus d'un papier ou d'un carton : les graines tomberont seules, ou vous les récolterez soit en frottant la plante bien sèche entre vos mains, soit en la battant.
Certaines plantes posent des problèmes : graines mûrissant au fur et à mesure de la floraison étalée de la plante, expulsées au loin ou se détachant très vite (cas du géranium Herbe-à-Robert ou des Boraginacées en général). Il est alors préférable de récolter la plante quand les graines ne sont pas tout à fait arrivées à leur maturité totale, et de les faire mûrir en les exposant au soleil dans un récipient permettant de recueillir les graines qui tomberont.
Enfin certaines semences sont contenues dans un fruit charnu. Pour vous simplifier la vie, vous pouvez répandre ces fruits dés leur cueillette. Ils pourriront sur place, ou seront consommés par des oiseaux ou des petits mammifères qui répandront la graine dans leurs déjections. Sinon il faudra séparer graine et pulpe. Si c'est un fruit comestible, mangez-le et recueillez ainsi pépins et noyaux propres, même si le goût est parfois insipide (cenelles ou merises) ou au contraire un peu âcre (prunelles). Pour les petits fruits (mûres, sureau...), réduisez-les en purée, extrayez le jus pour en faire éventuellement d'excellents sirops et lavez la pulpe pour en extraire les graines. Les fruits et baies non comestibles peuvent être traités de la même manière, consommation en moins évidemment Certains pouvant être très toxiques, faites bien attention aux accidents (enfants gourmands...) et lavez bien les ustensiles utilisés. Vous pouvez vous contenter d'écraser les fruits, de mettre cette pulpe dans un pot rempli au deux-tiers d'eau, de le fermer et de laisser fermenter quelques jours. La pulpe a tendance à remonter et les graines à tomber au fond.Récoltez dans les meilleures conditions possibles. Evitez les jours de pluie et l'humidité matinale pour les plantes dont les graines sèchent sur pied. Faites bien sécher toutes les graines à conserver avant de les mettre dans des sacs en papier ou des boites en carton, qui respirent. Evitez le verre et le plastique qui favorisent condensation et moisissure. Placez les sacs ou les boites dans un endroit sec, frais, où la température varie peu.
Dans les meilleures conditions, les graines peuvent se conserver 5 à 10 ans pour les espèces les plus résistantes. La durée de vie des grosses graines farineuses comme les glands ou les châtaignes est de quelques mois seulement. Elle peut atteindre par contre plusieurs dizaines d'années pour les graines oléagineuses comme la moutarde. Etant donné le travail que représente le bon séchage, la bonne conservation et le contrôle continu nécessaire d'un stock de graines, nous préférons ne traiter ainsi que les graines que nous destinons à la bourse d'échange/vente. Quand il s'agit d'ensemencer un terrain, nous préférons répandre les graines au fur et à mesure des récoltes. Les graines subissent l'effet du froid, de la pluie, voire le passage dans le tube digestif d'un animal quelconque. Un certain nombre seront détruites, mais cela permettra la levée des divers mécanismes de dormance dont elles peuvent être munies et donc amènera la bonne germination des semences restantes au printemps.
Pour le semis simple, répandez les graines aux endroits désirés. Lorsqu'elles sont petites, ou adaptées à la propagation par le vent, il suffit de les jeter sur la végétation en place ou sur la terre dénudée. Pour les graines plus volumineuses, glands ou châtaignes par exemple, il est plus rationnel de les mettre dans un trou de quelques centimètres de profondeur, fait avec un bâton pointu. Toutes les graines peuvent être semées à la surface du sol, comme cela se produit lorsqu'elles tombent naturellement. Les enfouir contribue à mieux les conserver en les retirant de la vue des nombreux animaux qui pourraient s'en nourrir.
Cette méthode reste très hasardeuse. Si les plantes produisent des centaines ou des milliers de graines par pied, c'est que très peu finissent par donner une nouvelle plante adulte. Les dangers sont multiples : consommation par les animaux, pourrissement par temps trop longtemps humide ou au contraire levée puis destruction des plantules en cas de sécheresse, etc... D'un autre côté, les plantes qui survivent seront les mieux adaptées aux conditions du milieu puisque victorieuses d'une sélection impitoyable. Quelques méthodes simples permettent d'augmenter les chances de réussite et/ou la vitesse de croissance. Elles réclament plus de temps et de travail, mais leurs avantages peuvent être décisifs dans certaines conditions.Masanobu Fukuoka est un sage japonais qui a oeuvré toute sa vie pour mettre au point une méthode d'agriculture naturelle sans labour, engrais ni traitements. Il a développé à cette occasion une méthode pour faire des semis directs dans une végétation déjà en place, ou sur une terre dénudée, qui nous intéresse. Il s'agit d'enrober les graines d'argile, ce qui permet de les protéger des rongeurs et autres consommateurs potentiels. Bien à l'abri, elles pourront attendre des conditions favorables pour germer. Si l'argile n'est pas pure mais prise dans la couche arable, elle contiendra des bactéries, ce qui est intéressant quand il s'agit de semer sur un sol nu. Si de plus elle est enrichie de cendre de bois, elle fournira à la jeune plantule une bonne nourriture de départ.
Il faut de l'argile ou de la terre argileuse (cinq à dix fois le volume des graines) réduite en poudre. Mélangez les graines, puis ajoutez de l'eau pour obtenir une pâte souple, pétrissez à la main ou avec les pieds jusqu'à durcissement. Filtrez alors le mélange obtenu à travers un tamis, dont les mailles sont en rapport avec la grosseur des graines. Si les mailles sont trop petites, les graines ne passent pas, si les mailles sont trop grandes, chaque boulette contient une trop grosse quantité de graines. Faites sécher le granulat obtenu une demi-journée, puis roulez-le à la main pour obtenir des boulettes sphériques.
Une technique plus complexe permet d'obtenir une seule graine par boulette. Mettez les graines humidifiées dans un panier ou un récipient quelconque. Saupoudrez avec l'argile tout en faisant tourner le panier et en vaporisant de l'eau avec un atomiseur. Les graines seront ainsi enrobées individuellement. Le tour de main consiste à donner la bonne dose d'humidité, il s'acquiert avec la pratique. Pour de grosses quantité, Fukuoka a utilisé avec satisfaction malaxeur et même bétonnière. Il ne reste plus ensuite qu'à répandre ces boulettes, ou à bien les faire sécher si vous devez les conserver quelques temps. Vous pouvez, pour simplifier le travail, mélanger les graines de plusieurs espèces, en faisant attention néanmoins à ce que leurs tailles ne soient pas trop différentes.D'autres techniques peuvent étre employées pour améliorer ou simplifier les semis. Hermann Benjes, un écologiste allemand, a décrit une méthode pour créer des haies ou des bandes boisées par semis naturel. Il suffit d'accumuler, en bande ou en massif, sur une hauteur de 1 mètre, des branchages, résidus de tailles de vergers, d'arbres d'ornements ou de coupes de bois (disponibles en grandes quantités généralement, ils sont brûlés le plus souvent). Ces tas de bois vont immédiatement attirer de nombreux animaux, mammifères et oiseaux notamment, qui vont y trouver un abri. Herbes, puis plantes ligneuses et enfin arbres vont pousser au travers des branchages. Selon Benjes, « les oiseaux sèment leurs propres haies avec leur fiente ». De plus la barrière de branchage arrête les graines disséminées par le vent. Cette manière de procéder enrichit immédiatement un terrain dénudé en fournissant un abri à de nombreux animaux. Les arbres sont issus de semis et sont parfaitement adaptés au sol, au climat et à la faune. Enfin elle ne coûte presque rien. Comme principaux inconvénients, on peut citer le gros travail nécessaire pour charrier les branchages, la nécessité de trouver une source d'approvisionnement proche du lieu choisi, et l'obligation d'avoir l'accord du propriétaire du terrain.
Nous avons mis au point pour semer certains arbres une technique un peu similaire. Nous ramassons en automne sous un arbre de l'espèce voulue 100 à 200 litres de débris divers (feuilles, brindilles, branches mortes) mêlés de graines que nous mettons en tas à l'endroit où nous voulons semer l'arbre en question. Au cours de l'hiver, le tas va commencer à se tasser, à se décomposer, étouffant la végétation originelle et fournissant un excellent humus pour la germination des graines. Au printemps, de jeunes arbres apparaissent, souvent plusieurs dizaines sur 1 m², protégés par une végétation herbacée clairsemée qui a réussit à percer la couche de débris. En laissant le tas à lui-même, un arbre plus fort que les autres restera seul au bout de quelques années. Nous préférons éclaircir en récupérant les arbres en surnombre que nous plantons ailleurs dès l'automne suivant, en laissant 3-4 plants par sécurité sur le tas originel. Les avantages sont de plusieurs sortes : levée facile, bon enracinement du plant non déplacé, fourniture de nombreux plants pour reboiser ailleurs. L'inconvénient majeur réside dans l'important travail à fournir si les tas dépassent la dizaine. Nous n'avons utilisé cette méthode que pour le chêne et le châtaignier, mais elle devrait pouvoir servir pour de nombreuses autres essences à grosses graines tombant au pied de l'arbre.
Si le semis est facile, permet de traiter de grandes surfaces et donne des plantes vigoureuses, il est difficile de contrôler rapidement le résultat obtenu. On sait ce que l'on sème, on ne sait pas ce qui poussera, et où, ni même parfois si cela poussera. La méthode alternative est donc la plantation. Ses avantages sont : impact immédiat ; pouvoir choisir à la fois les espèces, leur localisation, leur fréquence ; rationaliser l'utilisation des graines récoltées en les semant en pépinière (très utile quand les quantités récoltées sont faibles) ; permettre l'utilisation du bouturage et du marcottage comme moyen de multiplication ; introduire dans le nouveau milieu des animaux (essentiellement insectes) présent sur les plants récoltés dans la nature. Ses inconvénients sont malheureusement aussi nombreux : gros travail pour obtenir les plants, les déplanter, les replanter, reprise parfois difficile selon les espèces et les conditions extérieures, peu de certitude quant à la bonne affinité des plants avec le terrain, affaiblissement temporaire du plant ralentissant sa croissance, et pour les arbres perturbation de l'enracinement qui sera plus superficiel que profond. De plus, la plante transférée est perdue pour son milieu originel si elle a été prélevée dans la nature et non semée en pépinière. C'est une solution qui doit rester exceptionnelle.
Pour les espèces ligneuses, la technique est simple et éprouvée. Il faut déplanter et replanter entre novembre et mars, période d'arrêt de la végétation. Evitez les périodes de gel, ne laissez que peu de temps les racines nues, pour éviter leur dessèchement. Le pralinage augmente les chances de reprise : préparez une bouillie de terre argileuse et de bouse de vache (moitié-moitié) et trempez-y les racines. Elles seront protégées du dessèchement et la plante trouvera une nourriture abondante dès la reprise. La bouse de vache peut être remplacée éventuellement par du terreau, ou un peu de cendre de bois. Si la plantation n'est pas immédiate, mettez les plants en jauge : creusez une tranchée, couchez les plants en mettant les racines dans la tranchée et recouvrez ces dernières de terre abondamment arrosée. Enfin plus un plant est jeune, plus sa reprise est assurée et sa croissance rapide et vigoureuse. Il faut donc résister à la tentation de planter un arbre de trois ou quatre ans, déjà grand, mais qui supportera mal la chose. Les plants plus jeunes, par leur croissance beaucoup plus rapide, auront tôt fait de combler leur retard.
Pour les espèces herbacées ou semi-ligneuses, vous pouvez les planter au début de leur développement, comme on repique les légumes ou les plantes de massif. La plantule ne doit être ni trop petite, ni trop vigoureuse, et seule la pratique permet de connaître le bon moment pour chaque espèce. Le semis peut se faire en pot, en caissette ou sous châssis, dans du terreau ou de la bonne terre, en veillant à bien arroser et en mettant éventuellement à l'abri (serre, intérieur de la maison) pour hâter la levée. Les techniques sont les mêmes que celles utilisées en jardinage et en horticulture classique. La plante ayant atteint un développement suffisant est alors repiquée en place. Un arrosage à la plantation est vivement recommandé, sinon obligatoire. La technique du semis sur mottes, ou en pots individuels, évite de mettre les racines à nu. Les méthodes de semis-repiquage demandent énormément de travail, surtout pour de grandes surfaces. Mais elle est avantageuse dans deux cas : si vous n'avez qu'un petit nombre de graines ou si vous voulez enrichir rapidement un milieu déjà en place.
Le semis en pépinière, en pots, en caissettes, ou directement en place ne peut se faire sans une préparation préalable des semences pour lever certains mécanismes naturels bloquant leur germination. Les graines à enveloppe dure, empêchant l'absorption de l'humidité, doivent être scarifiées. La scarification consiste à diminuer suffisamment l'épaisseur du tégument, au moins en un point. Les méthodes sont nombreuses, mécaniques (utilisation d'abrasifs) ou chimiques (utilisation de solutions acides). Le plus simple est d'utiliser un bocal recouvert à l'intérieur d'un papier de verre : en l'agitant, les graines qu'il contient s'useront contre ses parois. Beaucoup d'autres semences doivent être vernalisées. La vernalisation consiste à les soumettre à une période plus ou moins prolongée de froid, le plus souvent avec des variations de température, c'est à dire une succession de refroidissements et de réchauffements. Le réfrigérateur peut être utilisé mais le plus simple est de faire les semis à l'automne, au dehors. Les graines subissent ainsi les conditions hivernales.
Les grosses graines, notamment d'arbres, peuvent être utilement stratifiées. La stratification consiste à mettre les semences par couches dans des pots ou des caisses remplis de sable humide mais bien drainé : trois cm de sable, une couche de graine, trois cm de sable, etc... Enterrez ces pots ou ces caissettes contre un mur au nord, protégez-les de la pluie en les recouvrant de paille. Il faut éviter à la fois l'excès de sécheresse et l'excès d'humidité. A la fin de l'hiver, vers février-mars, semez les graines. Ce traitement expose les semences au froid, favorise la pénétration de l'humidité et l'amollissement des téguments sans provoquer le pourrissement. Certaines grosses graines comme les glands ou les châtaignes ne se conservent bien que si elles sont stratifiées peu après leur récolte.
Un semis en place dés la récolte des graines permet de réaliser une vernalisation et une stratification naturelles. La scarification remplace le passage par le tube digestif d'un animal, dont les sucs attaquent suffisamment les téguments pour permettre ensuite une bonne germination. Un grand nombre de graines réclament pour germer au moins un ou deux de ces traitements, voire les trois. Une graine qui ne les aurait pas subis ne germerait pas. C'est une cause une cause fréquente d'échec des semis. Cet échec est cependant plus apparent que réel, car les graines restent vivantes dans le sol où elles pourront subir les conditions nécessaires à leur levée au printemps suivant. Il ne faut jamais désespérer, et certaines plantes pourront apparaître une ou plusieurs années après leur semis, si l'endroit où elles ont été répandues n'est pas retourné, travaillé ou utilisé par une autre culture.Certaines graines germent trés bien lorsqu'elles ont fait un court séjour dans l'eau (24 à 48 heures). Elles gonflent rapidement et ne sont plus tributaires d'une forte humidité du sol. Cette technique permet un gain de 10 à 15 jours dans la croissance des plantes annuelles, pour lesquelles elle est surtout recommandée. Les semences de certaines espèces ligneuses, comme le robinier, se portent très bien d'un traitement similaire. Il peut se révéler inutile, ou même néfaste car favorisant le pourrissement, dans les sols détrempés (zones humides ou printemps pluvieux par exemple).
EN GUISE DE CONCLUSION, UN CODE DE BONNE CONDUITE
Nous venons de voir brièvement comment permettre à la nature sauvage de reconquérir quelques parcelles de terrain chez soi ou dans des terrains vagues, sur des talus, remblais et autres coins bouleversés puis laissés plus ou moins à l'abandon. Ces actions doivent cependant respecter un certain nombre de règles de bonne conduite vis à vis de la nature et vis à vis des autres.
1. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal. En d'autres termes, il ne faut pas que la régénération hypothétique d'une parcelle entraîne la dégradation d'un coin de nature. Lorsqu'on recueille semences et plants dans la nature, il faut le faire avec discernement et respect du milieu. N'abîmez pas le milieu exploité par votre passage.
2. Respectez impérativement les plantes protégées : leur cueillette, mais aussi la récolte de leurs graines est rigoureusement interdites. Une connaissance minimum de la botanique, et la capacité d'utiliser un livre de détermination sont indispensables.
3. Pour les plantes non protégées, ne recueillez qu'une petite partie des graines disponibles pour chaque espèce. Votre rendement sera désastreux, mais vous serez sûrs de ne pas épuiser le milieu. Cela vous permet de vous concentrer sur les graines les plus faciles à atteindre. Pour les plants, de même, n'en déterrez qu'une petite proportion. Nous ne récoltons pratiquement que des plants d'arbres ou d'arbrisseaux, et jamais plus de 10% de la quantité disponible. Les plantes à bulbe ont souvent payé un lourd tribut aux horticulteurs et aux jardiniers. Les voir fleurir après un semis, plutôt que prélever les bulbes, peut prendre de longues années, mais c'est le seul moyen de les protéger réellement.
4. N'essayez pas de récolter certaines plantes très spécifiques de certains milieux (semences ou plants) qui même si elles ne sont pas protégées demandent des conditions très strictes pour s'établir. Vous risquez presque à coup sûr l'échec, et vous aurez affaibli la population du lieu de prélèvement. Dans cette catégorie rentrent notamment toutes les orchidées sauvages.
5. Privilégiez les milieux menacés à plus ou moins long terme pour vos récoltes : champs cultivés, friches, terrains promis à la construction, etc... Les semences et plants recueillis, menacés par les labours, les traitements ou les engins de travaux publics sont un bénéfice net pour la nature. Nous avons exploité avec profit il y a quelque temps une prairie marécageuse très riche, remblayée et transformée en zone artisanale depuis.
6. Respectez les autres, et leur travail, Si personne ne vous dira rien si vous recueillez des graines au bord d'un champ pour les répandre sur un talus dénudé, il est d'autres occasions où la prudence s'impose. Respectez les champs cultivés. Demandez l'autorisation du propriétaire pou r recueillir des plants en quantité, même si le terrain semble en friche, sauf s'il est destiné rapidement à la construction d'une route ou d'un immeuble. De même, si vous faites chez vous des aménagements conséquents, pensez que les autres, dans une très grande majorité, n'ont tendance à voir que des mauvaises herbes dans tout ce qui n'est pas cultivé. Aussi évitez de mettre en bordure de votre terrain des plantes à propagation rapide et difficiles à extirper ensuite, comme le prunellier ou les chardons. Le Code rural, héritage du XlXème siècle, impose à tout propriétaire de tenir propres ses terrains, même non cultivés, pour empêcher la propagation de ces herbes dites « mauvaises ».
7. Privilégiez la récolte et la distribution des plantes qui sont présentes chez vous, une fois que votre jardin sauvage commence à s'installer. Un réseau de jardiniers sauvages pourra ainsi s'établir, permettant la diffusion des semences par échange de jardins à jardins, Les échanges de nature à jardins doivent être limités, même s'ils restent indispensable au début de l'installation d'un jardin. C'est d'ailleurs une solution de facilité, car la récolte de graines que l'on a sous la main est aisée et rapide.
Remerciement à l'association PONEMA auteur de ce texte.